mardi 29 mai 2007

Le cercle des poètes disparus

Lancé il y a quelques jours par Jos, cette idée me plaît beaucoup. Alors, je rejoins le cercle et je vous fait part du poème qui m'a le plus marqué et que j'apprécie le plus:

La Loreleï

Mon Coeur, pourquoi ces noirs présages?
Je suis triste à mourir.

Une histoire des anciens âges

Hante mon Souvenir.


Déjà l'air fraîchit, le soir tombe,

Sur le Rhin, flot grondant;

Seul, un haut rocher qui surplombe

Brille aux feux du couchant.


Là-haut, des nymphes la plus belle,

Assise, rêve encore;

Sa main, où la bague étincelle,

Peigne ses cheveux d'or.


Le peigne est magique. Elle chante,

Timbre étrange et vainqueur,
Tremblez fuyez! la voix touchante

Ensorcelle le coeur.


Dans sa barque, l'homme qui passe,
Pris d'un soudain transport,

Sans le voir, les yeux dans l´espace,

Vient sur l'écueil de mort.


L'écueil brise, le gouffre enserre,
La nacelle est noyée,

Et voila le mal que peut faire

Loreley sur son rocher.


Heinrich Heine, 1823


Je préfère de loin la version allemande mais pour des raisons pratiques, je vous donne la version française - je suppose qu'une grande partie d'entre vous serait perdue devant le texte en allemand ;-) - traduite par Heine lui-même. C'est ce fameux poème qui va établir la légende de la Loreleï et la plus célèbre des poésies inspirées par le Rhin.
La Loreleï, qui sévirait au pied d'une falaise en amont de St Goarshausen sur la rive droite du Rhin, serait une jolie sirène aux longs cheveux d'or qui envoûterait les bateliers avec sa douce mélodie et causerait leur perte.
Le rocher légendaire de la Loreleï, qui domine le fleuve de ses 132m, est devenu le symbole du Rhin romantique et occupe une place de choix dans la littérature allemande.

12 commentaires:

Soïwatter a dit…

Ich weiß nicht, was soll es bedeuten,
Daß ich so traurig bin;
Ein Märchen aus alten Zeiten,
Das kommt mir nicht aus dem Sinn.

Die Luft ist kühl, und es dunkelt,
Und ruhig fließt der Rhein;
Der Gipfel des Berges funkelt
Im Abensonnenschein.

Die schönste Jungfrau sitzet
Dort oben wunderbar,
Ihr goldenes Geschmeide blitzet,
Sie kämmt ihr goldenes Haar.

Sie kämmt es mit goldenem Kamme
Und singt ein Lied dabei,
Das hat eine wundersamme,
Gewaltige Melodei.

Den Schiffer im kleinen Schiffe
Ergreift es mit wildem Weh;
Er schaut nicht die Felsenriffe,
Er schaut nur in die Höh.

Ich glaube, die Wellen verschlingen
Am Ende Schiffer und Kahn;
Und das hat mit ihrem Singen
die Lorelei getan.

...und das hast du mit meinem ärmeren Herzchen auch getan
Bisou

Loutarwen a dit…

Soïwatter (alias mon Coeur): Merci mon Lou...

Anonyme a dit…

Moi, c'est ceci

Le lac
Ainsi, toujours poussés vers de nouveaux rivages,
Dans la nuit éternelle emportés sans retour,
Ne pourrons-nous jamais sur l'océan des âges
Jeter l'ancre un seul jour ?

Ô lac ! l'année à peine a fini sa carrière,
Et près des flots chéris qu'elle devait revoir,
Regarde ! je viens seul m'asseoir sur cette pierre
Où tu la vis s'asseoir !

Tu mugissais ainsi sous ces roches profondes,
Ainsi tu te brisais sur leurs flancs déchirés,
Ainsi le vent jetait l'écume de tes ondes
Sur ses pieds adorés.

Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ;
On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
Tes flots harmonieux.

Tout à coup des accents inconnus à la terre
Du rivage charmé frappèrent les échos ;
Le flot fut attentif, et la voix qui m'est chère
Laissa tomber ces mots :

" Ô temps ! suspends ton vol, et vous, heures propices !
Suspendez votre cours :
Laissez-nous savourer les rapides délices
Des plus beaux de nos jours !

" Assez de malheureux ici-bas vous implorent,
Coulez, coulez pour eux ;
Prenez avec leurs jours les soins qui les dévorent ;
Oubliez les heureux.

" Mais je demande en vain quelques moments encore,
Le temps m'échappe et fuit ;
Je dis à cette nuit : Sois plus lente ; et l'aurore
Va dissiper la nuit.

" Aimons donc, aimons donc ! de l'heure fugitive,
Hâtons-nous, jouissons !
L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive ;
Il coule, et nous passons ! "

Temps jaloux, se peut-il que ces moments d'ivresse,
Où l'amour à longs flots nous verse le bonheur,
S'envolent loin de nous de la même vitesse
Que les jours de malheur ?

Eh quoi ! n'en pourrons-nous fixer au moins la trace ?
Quoi ! passés pour jamais ! quoi ! tout entiers perdus !
Ce temps qui les donna, ce temps qui les efface,
Ne nous les rendra plus !

Éternité, néant, passé, sombres abîmes,
Que faites-vous des jours que vous engloutissez ?
Parlez : nous rendrez-vous ces extases sublimes
Que vous nous ravissez ?

Ô lac ! rochers muets ! grottes ! forêt obscure !
Vous, que le temps épargne ou qu'il peut rajeunir,
Gardez de cette nuit, gardez, belle nature,
Au moins le souvenir !

Qu'il soit dans ton repos, qu'il soit dans tes orages,
Beau lac, et dans l'aspect de tes riants coteaux,
Et dans ces noirs sapins, et dans ces rocs sauvages
Qui pendent sur tes eaux.

Qu'il soit dans le zéphyr qui frémit et qui passe,
Dans les bruits de tes bords par tes bords répétés,
Dans l'astre au front d'argent qui blanchit ta surface
De ses molles clartés.

Que le vent qui gémit, le roseau qui soupire,
Que les parfums légers de ton air embaumé,
Que tout ce qu'on entend, l'on voit ou l'on respire,
Tout dise : Ils ont aimé !

Loutarwen a dit…

Marco: Merci pour ce beau poème de Lamartine...

Anonyme a dit…

C'est magnifique, je ne connaissais pas du tout.

Soïwatter a dit…

Je ne suis toujours et encore pas d'accord avec cette traduction un peu trop libre, qui ne laisse pas transparaître les sensations du poëte:

Je suis en proie à la tristesse.
D’où cela vient-il? Je ne sais.
De ce conte des temps passés
Qui hante mon âme sans cesse?

La brise est légère, le soir tombe.
On voit couler, calme, le Rhin
Et la cîme des montagnes luit
Dans la lumière d'un soir d'airain.

Mais, la plus belle nymphe, assise,
Là-haut, plus splendide encore.
Sa parure doré irise,
Elle peigne ses cheveux d’or

D’un peigne d’or elle caresse
Ses blonds cheveux, en chantant;
Ah, qu’il est étrange son chant !
Que sa mélodie est traîtresse !

Le marin dans sa frêle barge
Est pris d'une douleur sauvage,
Il ne voit pas l'écueil,
Il fixe le sommet de l’alpage.

Et les eaux, je crois, se refermèrent
Sur barque et marin à la fois.
Et voilà donc ce que peut faire
La Lorelei avec sa voix !


C'est peut-être un peu moins poétique (je ne me prétends pas poëte), mais plus fidèle à l'atmosphère des Heldenpos (chants moyenageux) de la mythologie allemande dont s'inspire Heine et le romantisme d'Outre-Rhin.

Loutarwen a dit…

Lily: Heureuse de t'avoir fait découvrir quelque chose...
Soïwatter (alias mon Ange): Je te signale juste comme ça au passage - mais si t'avais lu le post jusqu'au bout tu l'aurai vu - que c'est Heine lui-même qui a fait le poème en français qui n'est pas une traduction exacte mais ce que lui ressentait en français face à ce poème! Alors de là à t'attaquer à Heine ;-)

Soïwatter a dit…

Mon poëme préféré:

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fut de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Deux sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
À la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat

Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera

Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda

La Diane Française, Louis Aragon

Loutarwen a dit…

Soïwatter (alias mon Lou): je sais pas pourquoi mais je le savais... Moi aussi je le trouve superbe ce poême ;-)

Anonyme a dit…

Oh je me souviens de ce poème je l'ai étudié il y a quelques années en cours d'allemand, Die Lorelei. Et on avait même fait une blague : "Die Lorelei, parce que je le vaux bien". Mais en tous cas, il est bien plus agréable à lire en français;o)

Loutarwen a dit…

Virginie: Moi aussi, j'avais dû l'apprendre pour les cours d'Allemand... mais c'est un de ceux qui m'a vraiment marqué!

susane a dit…

Un excellent bravo pour un excellent sujet et un excellent blog !!!

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