jeudi 17 mai 2007

Quand l'empereur était un dieu

Un roman de Julie Otsuka.
Paru en 2004.
Lu en mai 2007.

L'histoire:

Le sujet déjà ne laisse pas de surprendre (oublieux ou mal informés que nous sommes) : les camps de concentration aménagés - en toute discrétion - pendant la seconde guerre mondiale sur le territoire américain… à l'usage des citoyens d'origine japonaise.
Julie Otsuka a choisi la fiction, mais avoue volontiers que l'histoire qu'elle raconte évoque de très près celle de ses grands-parents, paisibles Californiens qui n'avaient aucune raison de cacher leur ascendance japonaise, arrêtés et déportés par le F.B.I. en décembre 1941, au lendemain de l'attaque de Pearl Harbour, et qui furent maintenus derrière les barbelés, dans des conditions inimaginables, jusqu'à l'été de 1945. Rien que pour ce qu'il raconte, et que l'on sait si peu, le livre de Julie Otsuka vaudrait d'être lu. Mais le miracle est ailleurs. Le miracle, c'est qu'il nous rend témoins de cette histoire en usant de mots qu'on n'attend pas, dans un style si nu, glacé presque, si violemment débarrassé de toute émotion, de toute protestation, que le peu qu'il livre est insoutenable. Insoutenable de sérénité, on voudrait dire de poésie si le mot n'avait l'air ici à ce point incongru.

Mon avis:
Je suis encore sous le choc de ce roman. J'ai du mal à savoir ce que j'en pense vraiment parcequ'il m'a plu et dérangé à la fois. L'histoire est divisée en quatre chapitres: "Ordre d'évacuation n°19" qui retrace la perception de l'ordre d'évacuation des japonais par cette petite famille: une mère, un père déja déporté depuis quelques semaines, une fille et un jeune garçon, puis "le convoi" qui nous emmène dans le train qui roule vers un camp dans le désert de l'Utah, suivit de "quand l'empereur était un dieu" qui décrit leur vie dans ce camp et qui est de loin le chapitre le plus épais, puis "dans le jardin d'un inconnu" qui ramène la petite famille dans sa maison qu'elle a quitté depuis plus de quatre ans et enfin "aveux" le plus court des chapitres.
Ce qui m'a particulièrement plu, c'est l'histoire, la volonté de parler des camps de concentration en Amérique car oui, là bas aussi ils ont existés, la volonté d'éclairer les gens sur cette phase noire de l'histoire mondiale du côté américain. J'ai également apprécié le personnage du petit garçon qui semble le plus lucide de l'histoire, celui qui se pose le plus de question, celui qui doute, qui se sent coupable... mais aussi l'humanité des personnages qui malgré l'absence de sentiment craquent et deviennent quasiment fous les uns après les autres (la mère puis la fille). J'ai aimé la fin du roman, le retour à la maison tant attendu qui ne ressemble en rien à leurs rêves, le retour du père qui se fait tant attendre...
Ce qui m'a le plus dérangé - le quatrième de couverture m'avait prévenu mais je ne pensais pas que ce soit aussi perceptible - c'est l'écriture dénuée de tout sentiment de ce roman. On a l'impression que les personnages ne ressentent rien, qu'ils subissent en attendant, qu'ils ne souffrent pas des horreurs, qu'ils subissent et qu'ils vivent au jour le jour jusqu'au moment où ils deviennent presque fous... et j'ai trouvé cela limite insoutenable. Sans compter la poésie qui s'introduit dans certains passages qui devraient être horrible face aux évenements qu'ils retracent. Cette famille a tout perdu, elle n'a plus rien, l'auteur a même pris le parti de ne pas leur donner de noms pour renforcer cet aspect.
Le dernier chapitre retraçant les impressions du père, à la limite du violent - je trouve que les femmes sont représentées de manière beaucoup plus posées que les hommes même si elles semblent prêtes à craquer au moindre souffle - a ramené ces sentiments si absent du reste du livre. Mais là encore, c'est la poésie qui prime, il s'agit d'une simple énumération à la "presque Prévert"... Et pourtant cela suffit a me donner un peu de cette violence des sentiments que j'attendais.
Un livre extrèmement dur par son impassibilité face aux évenements qui s'y déroulent mais qui demeure un réel chef d'oeuvre...

Ma note:
9/10.

A noter:
Une interview très intéressante de Julie Otsuka sur Japonline.com lors de la sortie de ce premier roman en France.
L'avis de Tokyo.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Cela doit être effectivement un très bon roman. Je pense que je vais me le procurer.

Merci pour cet avis.

Loutarwen a dit…

Marc: De rien... En tout cas c'est un roman qui vaut le coup d'être lu!

Katell a dit…

je le note illico! Merci leeloo

Anonyme a dit…

Ce livre est vraiment très intéressant. C'est le seul en français sur ce sujet. Il y a bien "La Neige tombait sur les cèdres" de David Guterson mais l'internement des Nippo-Américains est secondaire à l'histoire principale du roman. Par contre, la bibliographie en anglais est un peu plus longue mais les livres ne sont plus disponibles.

Stieg a dit…

J'ai lu "Certaines n'avaient jamais vu la mer" de la même auteur. Je note ce titre et le mets dans ma PAL directement !